Tribune

Alors que 6 Français sur 10[1] ont déjà renoncé à des soins ces cinq dernières années, la crise de l’accès aux soins devient une urgence nationale. Dans de nombreux territoires, obtenir un rendez-vous médical relève du parcours du combattant. À la pénurie de soignants s’ajoute une pression financière croissante sur les patients à laquelle participe l’augmentation du nombre de professionnels de santé exerçant en ville en secteur 2 et parfois, en secteur libre : dépassements d’honoraires toujours plus fréquents et in fine, hausse du reste à charge pour les usagers. 

France Assos Santé rapportait en novembre 2024[2] que le reste à charge est en augmentation de 50 % par rapport à 2019. Par ailleurs, la désertification médicale a un impact direct et brutal sur la santé des français comme le démontre notamment une étude de l’Association des Maires Ruraux de France[3]. On y note un écart d’espérance de vie de 2 ans entre les habitants des territoires ruraux et urbains en défaveur des premiers.

Si, face à ce constat alarmant, la régulation de l’installation en ville des médecins en discussion à l’Assemblée Nationale apparaît comme une des réponses pour réduire les inégalités territoriales d’accès aux soins, elle ne peut suffire. Une autre réponse existe, éprouvée mais encore trop peu soutenue : les centres de santé. C’est le choix qu’ont fait de nombreuses collectivités territoriales pour répondre aux besoins de santé de leur population : municipalités, EPCI[4], départements et régions mais aussi associations, hôpitaux, universités.

Ces structures non lucratives assurent une prise en soins inconditionnelle des patients, en secteur 1, sans avance de frais et sans dépassements d’honoraires, par des équipes de professionnels de santé salariés.

Les centres de santé portent un modèle innovant d’exercice : salarié, coordonné, intégrant soin et prévention, territorialisé et de service public. Ils peuvent adapter leur offre de santé en fonction des besoins des territoires. Ils sont en mesure d’organiser des coopérations et des parcours de soins cohérents avec les hôpitaux, les Ehpad[5] et les autres établissements médico-sociaux, et les services publics de prévention, notamment de Protection Maternelle et Infantile et de santé scolaire. C’est enfin un mode d’exercice attractif pour les jeunes professionnels de santé qui, pour beaucoup, plébiscitent le travail en équipe pluriprofessionnelle et sont sensibilisés aux enjeux de santé publique.

Les centres de santé toujours plus nombreux et paradoxalement menacés

Les centres de santé sont une des réponses les plus efficaces à la désertification médicale. Leur nombre n’a cessé de croître ces dernières années : + 169 % centres de santé médicaux et polyvalents entre 2016 et 2024[6] (soit + 829 centres). Cette dynamique de création de nouveaux centres permet ainsi l’installation de professionnels dans de nombreux déserts médicaux. Pourtant, depuis plusieurs années, les centres de santé à vocation de service public gérés par des collectivités, des associations non lucratives, des hôpitaux ou encore des mutuelles font état de graves difficultés financières. 

Plusieurs structures sont aujourd’hui menacées de fermeture, faute d’un financement adapté à leurs missions  de soin, de prévention, d’accompagnement social, ou encore à la vulnérabilité de leurs patients et au travail en équipe.

Il est aujourd’hui vital et urgent que le modèle de financement des centres de santé soit profondément repensé.

Le 29 mars 2025, les centres de santé ont donc pris la décision d’ouvrir des négociations avec l’Assurance Maladie pour obtenir le financement nécessaire de toutes leurs missions par une refonte profonde et ambitieuse de la convention qui les régit, l’Accord National.

Les centres de santé sont à la croisée des chemins. Les pouvoirs publics aussi. Le Ministère de la Santé et la CNAM vont devoir faire des choix décisifs : soutenir les centres de santé en consolidant leur modèle médico-économique par des financements de leurs missions pérennes et à leur juste coût, et ainsi pouvoir apporter une réponse efficace aux besoins des territoires et des populations ; à défaut, laisser de nombreux centres de santé fermer et voir s’aggraver un peu plus les inégalités territoriales de santé et les déserts médicaux.

Ces prochains mois, c’est donc l’avenir des centres de santé  qui est en jeu à travers ces négociations cruciales, mais au-delà, c’est aussi celui de l’accès aux soins et à la prévention de la population dans tous les territoires pour que reculent enfin les déserts médicaux.

Les 1er signataires : 

Hélène Colombani, Présidente de la Fédération Nationale des Centres de Santé ; Nicolas Garcia, Maire d’Elne (Pyrénées Orientales), 1er vice-président des Pyrénées Orientales, vice-président de la FNCS ; Carole Delga, Présidente de la Région Occitanie, Présidente du GIP Ma Santé Ma Région ; François Bonneau, Président de la Région Centre-Val de Loire, Président du GIP Pro Santé ; Pierre Barros, sénateur ; Céline Brulin, sénatrice ; Marianne Margaté, sénatrice; Anne Souyris, sénatrice ; Rachid Temal, sénateur ; Arthur Delaporte, député ; Jérôme Guedj, député ; Damien Maudet, député ; Yannick Monnet, député ; Jean Claude Raux, député ; François Ruffin, député ; Nicolas Sansu, député ; Boris Vallaud, député ; Frédéric Chereau, vice-président de l’Association des Maires de France ; Antoine Pelissolo, psychiatre ; Raphaël Adam, Maire de Nanterre (Hauts de Seine) ; Jacqueline Belhomme, Maire de Malakoff (Hauts de Seine) ; Anne-Claire Boux, Adjointe à la maire de Paris en charge de toutes les questions relatives à la santé publique et aux relations avec l’APHP, à la santé environnementale, à la lutte contre les pollutions et à la réduction des risques ; Alexandra Cordebard, Maire du 10e arrondissement, Paris ; Jean-Philippe Gautrais, Maire de Fontenay-sous-Bois (Val de Marne) ; Gilles Poux, Maire de La Courneuve (Seine Saint Denis) ; Pascal Mazet, conseiller régional, Région Occitanie, Aveyron ; Christophe Prudhomme, médecin urgentiste, membre du conseil de la CNAM, conseiller régional d'Ile-de-France ; Dominique Acker, IGAS Honoraire ; Christophe Lannelongue, ancien Directeur Général d’ARS, IGAS honoraire ; Lucie Castets ; Rémi Salomon, Président de la conférence des Présidents des CME de CHU ; Jean Luc Jouve, Président de la Commission Médicale d’Etablissement de l’AP-HM ; Irène Frachon, pneumologue, PH ; Olivier Milleron, cardiologue, PH ; Loïc de Pontual, pédiatre, PU-PH ; Ludovic Cépré, expert en prévention, MNH ; Clément Nallier, cadre supérieur de santé ; Bruno Ramdjee, médecin de santé publique ; Sanaa Saitouli, Banlieues Climat ; Pierre Micheletti, Président d'honneur d'Action contre la Faim ; Julie Chastang, médecin généraliste, Maîtresse de Conférence des universités ; Corinne Bois, médecin en PMI...

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Mercredi 23 avril 2025 - 12:38